Déchiffrer une recette, remplir un formulaire pour la CAF, lire le menu au restaurant. Rédiger un chèque ou son CV, passer le code de la route, envoyer un e-mail. Choisir un produit au supermarché, comprendre la notice de montage d’un meuble, naviguer sur Internet, découvrir son planning de la semaine, noter un numéro de téléphone ou un nom...
La liste des petites choses de tous les jours qui nécessitent de savoir lire et écrire est infinie. Et pourtant, ceux « qui savent » n’y pensent pas. On lit naturellement, sans réfléchir. Les yeux se posent sans effort sur les signes qui aussitôt prennent sens et transmettent leur message. Mais imaginons que du jour au lendemain, tout ce qui est écrit en français soit transposé en alphabet russe, grec, arabe, hébraïque...
C’est ce que vivent au quotidien en 2015, en France, 2,5 millions de personnes. Et c’est bien l’illettrisme au quotidien que dépeint dans Orphelin des mots Gérard Louviot, qui n’a pu apprendre à lire qu’à l’âge de 35 ans.
Avec beaucoup d’honnêteté et de courage, l’auteur raconte la honte qui colle aux basques à chaque instant, les ruses qu’il faut déployer pour cacher son secret, la solitude extrême dans laquelle peu à peu on s’enferme, et tout ce dont il faut se priver pour que jamais personne ne découvre ce qui nous ronge.
Pourtant, les illettrés ne sont pas (ne sont plus) condamnés à l’obscurité, loin de là ! Sur ce douloureux chemin, il peut aussi y avoir des rencontres qui redonnent confiance, une remise en question, une prise de conscience, qui conduisent un beau jour au premier « aveu », jeté dans un souffle désespéré, et qui ne déclenche... que des encouragements bienveillants au lieu du tsunami redouté depuis toujours ! Alors tout redevient possible...
« Depuis que j’ai commencé à lire, tout me saute aux yeux, les panneaux sur les routes, les boîtes et leurs étiquettes, les titres des journaux. [...] Le monde des mots est sans limites et il ouvre des millions de petites portes. »
Orphelin des mots, Gérard Louviot, XO Éditions, 2014