Un éditeur enthousiaste (voire dithyrambique) vient de vous annoncer qu'il va publier votre manuscrit ? Formidable ! Pourtant, vous avez des doutes : le contrat qu'il vous demande de signer est-il bien un contrat d'édition ? Ne vous propose-t-on pas plutôt une publication « à compte d'auteur » ? La différence peut sembler subtile et donc difficile à établir, pourtant, elle est de taille.
L'édition à compte d'éditeur
L'éditeur à compte d'éditeur effectue une sélection des textes qu'il publie en fonction de sa ligne éditoriale, c'est-à-dire qu'il choisit ce qu'il désire publier, selon ses goûts, ses valeurs, et sa conviction concernant le potentiel (littéraire et/ou financier, notamment) de l'ouvrage.
Il reçoit bien souvent un très grand nombre de manuscrits d'auteurs non publiés, parmi lesquels il n'en sélectionne un que très rarement, et met en général trois à quatre mois à vous annoncer sa décision.
« Le contrat d'édition d'un livre est un contrat par lequel l'auteur cède à un éditeur, en contrepartie d'une rémunération, le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'œuvre ou de la réaliser sous une forme numérique ; c'est à l'éditeur d'en assurer la publication et la diffusion », informe la Société des gens de lettres (SGDL). Le professionnel qui publie votre livre est bien ici un éditeur, et il vous publie à « compte d'éditeur », autrement dit à ses frais. Il s'engage pour votre livre, prend à sa charge sa fabrication dans son intégralité et sa diffusion, et vous reverse des droits d'auteur sur chaque exemplaire vendu.
Attention donc, tout ce qui ne s'appelle pas « contrat d'édition » n'est pas… un contrat d'édition au sens de la loi (notamment les contrats « de publication », ou encore d'« édition participative »).
NB : Cela concerne l'édition de votre œuvre en « livre papier ». Il est recommandé de signer un contrat séparé pour son édition numérique.
L'édition à compte d'auteur
Comme son nom l'indique, ce type d'édition induit
la prise en charge des frais (tous les frais) par l'auteur, tandis que l'« éditeur » assure la partie
technique de la fabrication et de la diffusion du livre.
Cet éditeur n'effectue souvent aucune sélection des textes, ou bien sur des critères très larges : publier votre ouvrage ne génère pour lui qu'un faible risque financier, et un risque quasi nul en matière d'image de marque. Il n'est donc pas vraiment un éditeur comme en rêve tout écrivain non encore publié, mais un prestataire de services, qui va organiser la « fabrication » physique de votre livre et sa diffusion (au sens le plus strict bien souvent : inscription dans les fichiers accessibles aux libraires et sur les sites des vendeurs en ligne), la plupart du temps sans la moindre publicité (ou alors, elle vous sera facturée).
Il vous restera à gérer votre présence sur les salons, démarcher les librairies (avec peu de chances qu'ils acceptent de présenter votre livre parmi l'offre pléthorique qu'ils doivent déjà gérer), assurer votre visibilité en ligne, gérer vos réseaux sociaux, etc.
L'édition à compte d'auteur a plutôt mauvaise réputation dans l'ensemble (même si, comme dans tout domaine, il existe des prestataires sérieux) : d'un côté, peu de transparence (pour dire le moins) de la part des professionnels sur les prestations réellement réalisées et leur qualité ; de l'autre, le texte édité par cette voie est souvent suspecté de médiocrité, puisque supposé n'avoir pas trouvé preneur chez un « vrai éditeur » (et pourtant, Proust lui-même a d'abord été édité à compte d'auteur !).
Ce sont les pratiques de certains professionnels qui parfois ne le sont pas tout à fait. Ce système tend d'ailleurs à être supplanté par l'autoédition, en plein boom depuis quelques années, avec des résultats très divers, allant de la grande déception au beau succès inattendu (somme toute, comme dans le cas d'une édition classique…).